Evoquer Venturi provoque aujourd’hui un pincement au cœur pour tous les amateurs de voitures de sport françaises.
Venturi a été une belle aventure, de surcroit dans la région avec une usine à Cholet puis à Couëron.
A l’origine du projet on trouve Claude Poiraud, natif de Vendée et qui a travaillé chez Alpine, et Gérard Godefroy qui a fait les beaux-arts de Rouen avant de passer par Peugeot puis Heuliez. Un jour de 1983 Claude Poiraud déclare à Gérard Godefroid : « voilà, je veux faire une voiture ; si ça pouvait être beau ça serait beaucoup mieux, parce que moi, je ne suis pas capable de lui mettre une robe convenable, mais je sais m’occuper du reste. » Et l’aventure commence.
En 1984 La maquette à l’échelle 1 de la Ventury (avec un Y) est exposée au salon de Paris en octobre sur le stand GODFROY. Elle dispose d’un moteur de Golf GTI et d’une carrosserie en polyester.
Après de multiples changements le premier exemplaire roulant est présenté au Trocadéro en 1986. Mais les concepteurs ne sont pas satisfaits et c’est le fameux moteur V6 PRV (comme dans l’Alpine GTA Turbo) qui est installé finalement.
En mai 1987 le premier modèle de série sort de l’usine flambant neuve de Cholet pour être livré au président de l’époque de l’Automobile Club de L’Ouest.
La française offre 200 ch face au 220 d’une Porsche 944 turbo ou au 270 ch d’une Ferrari 328 GTB. Mais elle compte sur son remarquable châssis pour faire la différence et sur son intérieur soigné. 52 Venturi sont construites cette 1ère année. En 1988, 112 voitures sont assemblées dont la variante transcup et son toit démontable.
Après avoir produit 337 voitures à Cholet, la marque déménage en 1990 à Couëron. Xavier De La Chapelle, nouveau PDG, connu pour ses répliques de Bugatti, compte produire 500 véhicules par an. Des Venturi bien sûr, coupés et cabriolets, mais aussi le Parcours De La Chapelle, un gros monospace de luxe.
Malgré les difficultés financières Venturi lance une série de 25 exemplaires de la 260 Atlantique pour fêter sa nouvelle usine. 1991 c’est également l’aventure en Formule 1 qui commence pour faire connaître la marque.
En 1992, Venturi présente la 400 Trophy de 400 ch. C’est le lancement du Gentlemen Drivers Trophy : l’idée est de vendre une saison de course clé en main. Cela constitue une belle bouffée d’oxygène pour la marque.
En 1993, la marque court aux 24 heures du Mans. La 400 Gt de 1994 que l’on appelle la F40 française en est la version de route. Pour la première fois Venturi gagne de l’argent !
En 1995, l’Atlantique 300 présente une silhouette totalement renouvelée. Le développement en course continue et de nombreux projets sont en cours mais la marque est liquidée une première fois en 1996. Reprise par le groupe Nakarin-Benz, basé à Bangkok qui distribue des voitures de sport en Asie, la marque survit encore jusqu’en 1999. 650 voitures ont été produites.
Nous rencontrons aujourd’hui Pascal qui nous fait le plaisir de nous présenter sa voiture : la toute première Venturi Atlantique 300. Cet exemplaire au destin particulier a été présenté au salon de Paris 1994 et a servi aux photos presse et du catalogue de présentation. Bleu à l’origine, cet exemplaire est vendu par l’usine à un amateur de la région qui le veut rouge avec un intérieur beige. Ayant toujours besoin d’argent, l’usine accepte de faire repasser la voiture en atelier pour effectuer les modifications. L’intérieur est très bien fini avec des boiseries polies à la main et un intérieur entièrement en alcantara. La finition est moins flatteuse en ce qui concerne les boutons et commodos empruntés à la grande série, mais c’est le lot de toute fabrication artisanale de l’époque. L’ensemble est très flatteur. La carrosserie est réalisée en résine polyester chez CPC, spécialiste des coques de bateaux, au Croisic. Le capot moteur et les portes étaient en aluminium, légèreté oblige. La Venturi 300 présente une ligne à la fois classique et très travaillée pour l’aérodynamique et le refroidissement de la mécanique, une vraie réussite assortie d’un panel de couleurs magnifiques.
La mise en marche des machines révèle un son discret au ralenti et une musicalité en retrait par rapport à une italienne ; le V6 PRV est toujours en service, ici en version 3 litres avec Turbo et fort d’un peu plus de 300 cv. Malgré ce manque de noblesse, les performances sont bien là avec un 0 à 100 km/h en 5 secondes et une vitesse maxi de 280 km/h. Surtout, la souplesse en fait une voiture facile à conduire, l’effet turbo étant bien maitrisé. Il est à noter qu’en 1998 la voiture sera équipée d’un nouveau V6 (Peugeot/Renault) équipé de 2 turbos. Le châssis mécano soudé avec moteur central arrière est le point fort de la voiture ; il assure une belle agilité sans être piégeux, la direction est un régal de précision, les amateurs de conduite sportive sont comblés. Seul le levier de vitesse désagréable à manier aurait mérité mieux. L’efficacité est évidente, sans aucune assistance électronique, et les sensations sont dignes d’une vraie sportive. L’orage qui éclate lors de notre prise en main met en avant les qualités du châssis.
Au final seulement 57 Atlantique 300 seront produites entre 1995 et 1998 et 13 Atlantique 300 bi turbo. On se dit pourtant que c’était la voiture pour réussir.
Pascal évoque avec nostalgie la marque installée à l’époque à Couëron. Ayant collectionné et conduit de multiples voitures de sport, la Venturi tient une place à part, à cause de son destin malheureux mais surtout parce que c’est une histoire d’hommes passionnés, une petite équipe de gaulois qui a cru en ses rêves mais qui comme souvent dans notre beau pays a pâti d’un manque d’investissements.
Pascal me montre le bon de commande signé pour la Fétiche alors en projet, un acte de foi à l’époque ou la marque était en grand danger. Grâce à ses contacts il a réussi à constituer une collection d’objets liés à la marque : parapluie, documentation, nuancier...
La marque Venturi existe toujours, racheté par le monégasque Gildo Pallanca Pastor qui avait déjà racheté la marque Bugatti. Jusqu’en 2004 l’espoir d’une renaissance existe avec le projet Fetish, devenu entre temps électrique elle ne verra pourtant jamais le jour en série.
Venturi court aujourd’hui en Formule E (la Formule 1 électrique) et s’investit dans les records du monde de vitesse. Le stock de pièces restant a été racheté en 2015 par l’entreprise Extrême limite située en Loire-Atlantique.
Rouler en Venturi aujourd’hui
Production limitée et marque disparue, rouler en Venturi est l’acte d’un amateur éclairé. Ce n’est certainement pas la facilité car les pièces sont bien entendu devenues rares. Se rapprocher du très dynamique Club Venturi est indispensable. Côté finances les prix ont commencé à s’envoler, en particulier pour l’Atlantique 300 et explosent pour une 400 homologuée pour la route. Le prix de l’Histoire.
Club Venturi : clubventuri.fr